vendredi 10 juin 2011

Une Histoire de la lecture...

En guise de premier vrai article, voici un livre sur le livre et la lecture que j'ai particulièrement apprécié:



Une Histoire de la lecture, Alberto Manguel
(Actes Sud, 1998, 375 pages)

Alberto Manguel, écrivain né à Buenos Aires, capitale mondiale du livre cette année, nous livre dans cet ouvrage un hommage à la lecture mais très certainement également à Jorge Luis Borges, devenu aveugle et à qui Manguel, alors adolescent, lisait des livres que Borges commentait. Une Histoire de la lecture est à la fois une étude historique, sociologique, littéraire, ethnologique, technique et scientifique de la lecture et du livre. L’ouvrage de Manguel s’impose comme un monument du XXe siècle, de par la richesse de son contenu que par son sujet si bien abordé.

     Dans un monde où le lecteur semble être en voie de disparition, Manguel tente de redorer le blason de la lecture qui a un pouvoir libérateur, en effet selon lui « l’apprentissage de la lecture représente en quelque sorte une initiation, la sortie ritualisée d’un état de dépendance et de communication rudimentaire » (93). Se priver de cela, c’est se priver de sa liberté, d’un moyen de se forger une opinion sur le monde et de gagner en expérience.
      Ce livre peut également se lire comme une sorte de roman autobiographique, un roman de voyage qui ne s’adresse pas nécessairement à un lecteur érudit mais bien à un lecteur passionné de livres et qui souhaite découvrir son histoire. Manguel nous livre non seulement UNE histoire de la lecture mais également SON histoire. Le caractère personnel de cet ouvrage se traduit par une utilisation du « je » mais aussi par le temps que Manguel a mis pour l’écrire : dix ans. Ce livre dépasse donc le statut réducteur d’étude puisque l’auteur y déverse ses propres expériences en tant que lecteur, écrivain et traducteur. Du fait de sa place de choix, il est à même de nous présenter un nombre impressionnant de relations au livre : il utilise un nombre exhaustif d’exemples littéraires, il retrace les débuts de la lecture et plus tard du livre à travers, en autres, l’histoire et la géographie.
     De façon métaphorique, Manguel déshabille le livre, le déchiffre, lit entre les lignes, le retourne et le manipule afin de nous livrer ses secrets, son passé mais aussi son avenir. Cette étude pourrait d’ailleurs très bien ressembler à une fouille archéologique.
     Au fil des pages, nous en venons à comprendre que la pratique de la lecture est conditionnée par un grand nombre de paramètres dont notre âge, notre expérience, notre époque, etc. C’est pour cela qu’en guise de titre Manguel n’a pas écrit « L’ » histoire de la lecture mais bien UNE histoire qui diffère d’une personne à l’autre, d’un pays à l’autre et d’une époque à l’autre. Il tente de briser les préjugés qui entourent le livre, souvent considéré comme un objet appartenant à l’élite mais qui n’attend en fait qu’un lecteur, quel qu’il soit, pour lui donner sa véritable raison d’être : être lu.
     Le but de Manguel en écrivant ce livre ne semble en aucun cas d’être didactique ou encore d’établir une science de la lecture puisque ce qu’il l’anime est avant tout son intérêt pour l’acte de lire et sa passion du livre comme possession privée. C’est cette passion qu’il veut communiquer au lecteur à travers une écriture fluide et anecdotique. Lire Manguel, c’est voyager, éprouver des sensations, se comparer aux autres lecteurs ; en somme, son livre est une introspection du livre en général mais aussi de son lecteur. Son livre est un prisme d’histoires car il est une histoire à lui seul mais se compose de celle de l’auteur mais aussi d’un grand nombre d’autres lecteurs, écrivains, philosophes comme Dante, Borges, Hugo, Kafka, Chaucer, Colette, ou encore Saint Augustin.
     Cet ouvrage de Manguel mériterait d’être actualiser afin d’étudier les nouveaux rapports qu’ont les individus avec le livre. De plus, l’apparition du numérique remet peut-être en question certaines pratiques de lecture. Malgré ses avantages et ses inconvénients, il serait possible d’attribuer une partie supplémentaire à son chapitre sur « la forme du livre » puisqu’à travers le temps on remarque le caractère plus pratique et transportable du livre. L’immatériel est en voie d’être une des prochaines étapes dans l’histoire de la lecture. Notre époque actuelle propose des challenges nouveaux au livre et à ses intervenants. Le plaisir de posséder des livres tend à être remplacé par le défi de faire tenir dans une clé USB ou un petit appareil bibliothèque entière. Où va le livre ?Telle est la question posée par Jean-Yves Mollier. Cette évolution dans l’acte de lire et dans le livre suggèrent une évolution dans le métier d’éditeur puisque les besoins du lecteur et les pratiques de lecture évoluent également. Cependant, cet aspect fait défaut dans l’ouvrage de Manguel, mais l’auteur ne traite pas de l’édition mais du livre et de la lecture.

 Ma note: 10/10


Bonne lecture :-)

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